Vigilance et initiatives syndicales antifascistes (VISA), Lumière sur mairies brunes, tome 2, Syllepse, 2017, 232 p.
Au soir du second tour des élections présidentielles de 2002, le candidat du Front national (FN) obtenait 17,79% des suffrages exprimés, soit 5,5 millions de voix. Quinze ans plus tard, une autre candidate du même parti néo-fasciste, également au second tour, réunissait 33,90% des mêmes suffrages avec 10,7 millions de voix. Alors que, en 2002, l’arrivée d’un candidat d’extrême droite au second tour avait provoqué un séisme politique, une importante mobilisation spontanée et d’énormes manifestations le 1er mai, le même cas de figure quinze ans plus tard ne mobilisa et ne troubla quasiment personne, les journalistes et commentateurs attitrés n’ayant que le mot de « dédiabolisation » à la bouche… Bref, pour les médias, le FN était devenu un parti en voie d’être « respectable », voire quasiment fréquentable, tandis que la société civile était amorphe.
Depuis, évoquant la piètre performance de la candidate du FN durant le débat télévisé de l’entre-deux tours, l’échec (relatif) aux législatives suivantes et les tensions internes du parti d’extrême droite, il est de bon ton parmi ceux qui « font l’opinion » de se gausser du danger représenté par l’extrême droite française. Pourtant, il suffit de regarder les chiffres ci-dessus pour constater que le FN a quasiment doublé son score en quinze ans à l’élection considérée comme majeure de la vie politique en France.
Vigilance et initiatives syndicales antifascistes (VISA) est « une association intersyndicale composée d’une cinquantaine de structures syndicales » : « FSU et plusieurs de ses syndicats, l’Union Syndicale Solidaires et plusieurs de ses syndicats, des fédérations et des syndicats de la CGT, de la CFDT, de la CNT, de l’UNEF et le syndicat de la Magistrature » .
Parmi ses nombreuses activités d’analyses et de formation, l’association propose des brochures et des livres qu’il importe de mieux connaître, le dernier étant consacré à une évocation précise des méfaits de l’extrême droite dans la quinzaine de villes où elle a conquis la direction de municipalités. À juste titre, il n’est pas question des seules mairies FN, mais aussi de celles dirigés par des personnalités d’extrême droite comme à Bollène et Orange dans le Vaucluse, ou encore à Béziers (Hérault).
Du 3e trimestre 2015 au 1e semestre 2017, l’ouvrage passe en revue en cinq parties chronologiques les méfaits de l’extrême droite dans les villes qu’elle dirige. Sur le fond, nulle surprise, on y trouve partout les mêmes ingrédients : attaques contre la culture, les syndicats, les politiques sociales ; racisme et discrimination ; autoritarisme (le maire FN des 13e-14e arrondissements de Marseille est surnommé le « dictateur nord-phocéen »), voire mégalomanie. Les informations données sur le maire de Béziers sont particulièrement édifiantes et l’on y vérifie, s’il en est besoin, que la politique-spectacle, la communication et les effets d’annonce (sans suite) ne sont pas l’apanage des partis de gouvernement qui, pourtant, en usent et en abusent. Comme quoi ceux qui se prétendent comme des « anti-système » ne sont en tout et pour tout que de médiocres et dangereux prétendants à la gestion ultra-autoritaire dudit système…
Sur la forme, on regrettera le caractère haché des différentes séquences chronologiques qui n’évite pas quelques redites. Plutôt que d’aborder les principales villes en cinq moments consécutifs, il serait préférable pour la clarté et la cohérence de la démonstration de traiter chaque ville sur la longue durée. Cela aurait renforcé l’accablante mise à nue des pratiques autoritaires et réactionnaires de l’extrême droite dans les principaux aspects de la vie quotidienne où interviennent les municipalités.
Ajoutons que l’ouvrage est parsemé d’encadrés reproduisant des articles ou des tracts syndicaux contre l’extrême droite et, surtout, de brefs argumentaires de VISA démontant les prises de position du FN sur l’école, la santé, le logement, l’immigration, les 35 heures, la loi travail, les retraites. Loin d’y trouver une quelconque dédiabolisation et des propositions éventuellement favorables au plus grand nombre, on y vérifiera que, derrière les phrases ronflantes, il n’y a que des mensonges dont les salariés seraient les premières victimes. À l’heure où l’extrême droite espère élargir sa base sociale et accroître son influence locale à la faveur des élections intermédiaires, il importe de continuer à braquer les projecteurs sur ses méfaits quotidiens dans les villes qu’elle occupe. Ce livre y contribue et appelle une suite…
LS
Le site de référence de cette note de lecture se trouve ici: https://revolutionproletarienne.wordpress.com/
Ce livre est disponible au local de Solidaires à Marseille.