Expressions Solidaires #79

Journal de l’Union syndicale Solidaires

Un 8 mars de luttes et de grèves !

On ne le dit jamais assez : ce sont nos luttes qui ont permis de conquérir des droits et de progresser vers l’égalité entre les femmes et les hommes. Les lois sont là, elles sont même nombreuses et touchent à nombre de domaines : les salaires, le champ professionnel (de l’embauche à la promotion en passant par les conditions de travail), les violences… Malgré cela, les inégalités persistent : aussi bien en termes de salaires, d’emploi, de sexisme…

Un contexte de remises en cause tout azimut

thumbnail of maquette-solidaires-79-web-270117-1Les droits acquis ne le sont jamais. Crise politique, économique, financière… tout est prétexte pour que les droits des femmes soient remis en cause. Ces dernières années n’y dérogent pas : la loi Macron, en généralisant le travail du dimanche a touché particulièrement les femmes (et celles des quartiers populaires plus encore), notamment dans le commerce. La loi Rebsamen, en revisi- tant le « dialogue social », a noyé les Rapports de Situation Comparée, outils indispensables dans les entreprises pour mettre à jour les inégalités et trouver des moyens pour les contrer et les résorber (si tant est que les organisa- tions syndicales s’en emparent, évidemment !). Puis tout dernièrement, la loi Travail, qui vient elle aussi freiner la marche vers l’égalité en permettant aux accords d’entre- prises d’être au-dessus de la loi en particulier vis-à-vis du temps de travail, temps déterminant pour les femmes au niveau de leur salaire comme de leur possibilité à orga- niser leur vie au vu de toutes leurs contraintes (notamment familiales)… Nous ne ferons pas la liste ici de toutes les mesures prises ces dernières années sous le prisme des politiques d’austérité mais ce qui est sûr, c’est qu’elles touchent des secteurs où les femmes sont très présentes, et ont de ce fait des incidences non négligeables sur leur condition d’emploi, de salaires, de vie !
Autre contexte largement défavorable dans la dernière période, la montée des extrêmes droites et du clan conservateur et réactionnaire. Les attaques sur ce plan sont connues : contre le droit à disposer de son corps, contre les actions de déconstruction des stéréo- types (et les études de genre) avec toujours cette idée que la place des femmes est à la maison, pour faire des enfants, et s’en occuper.

Pourquoi le 8 mars ?

La journée du 8 mars, qui célèbre l’histoire des luttes des femmes, est la journée internationale pour les droits des femmes (voir encart), ce n’est pas la journée de « la » femme, comme les médias le propage. Il n’y a pas une femme, mais des femmes qui, jour après jour, année après année, sont confrontées chacune aux « petites choses du quotidien » relevant de la domination masculine. Qu’il s’agisse de la « blague » sur les blondes, des remarques ou regards selon com- ment on est habillée, des attouchements subis dans les transports en commun, des entretiens d’embauche où le désir de grossesse est questionné, des emplois à temps partiel qu’on nous réserve sous le prétexte de l’articulation vie familiale, du quart de différence de salaire en moins, de l’évidence qu’il nous faut « penser » les courses, les rendez-vous chez le médecin pour les enfants, le ménage… si la liste n’est pas exhaustive, elle est surtout très longue ! Elle est le signe d’un système (le patriarcat) qui, comme tout système, s’immisce dans notre quotidien et notre façon d’être, au point qu’il est extrêmement difficile d’y échapper.

Aussi, la récupération de cette journée à des fins commerciales, avec des messages publicitaires proposant de la « fêter » par un cadeau ou une distribution de fleurs sur le lieu de travail n’est pas supportable. C’est pourquoi Solidaires défend depuis 2014 l’idée de construire une grève des femmes le 8 mars. Pour lui redonner son carac- tère de lutte, pour remobiliser et recréer une dynamique : nous avons encore tant à gagner !

Après deux années où certaines fédérations de Solidaires ont déposé des préavis de grève, après le « buzz » du 7 novembre 16h34, après maints débats portés dans nos instances pour convaincre, auprès de mouvements féministes, le mercredi 8 mars 2017 se profile… tonitruant ! (au moins)

Lorsque vous lirez ces lignes, il ne sera pas trop tard pour agir… bien au contraire !

La dynamique créée en 2016 par les mouvements de grèves ou de mobilisation en Pologne (pour l’avortement), en Islande (pour les salaires), en Argentine et en Italie (contre les violences), en France avec le « 7 novembre 16h34 », a permis de relancer le mot d’ordre de « grève » des femmes. La CGT a organisé une première rencontre le 14 décembre dernier entre organisations syndicales (seules Solidaires, FSU et UNEF y ont répondu) et mou- vements féministes pour préparer un « 8 mars d’actions et de grèves pour les droits des femmes ».

Après deux réunions et des groupes de travail, la campagne pour faire de ce 8 mars une journée de lutte se profile bien ! Dans le texte d’appel (qui, au moment où ces lignes sont écrites n’est pas encore fina- lisé) les organisations signataires s’engagent à faire partout en France une action (par le débrayage à cette heure-là, par des actions de rue…) le 8 mars à 15h40. Car c’est à partir de cette heure-là que les femmes ne sont plus payées sur une journée, au vu de la différence de salaire moyenne entre femmes et hommes. Des préavis de grèves seront déposés, des débrayages organisés (là où les équipes militantes ont la capacité de le faire), tous les types d’actions sont les bienvenus !

Le texte d’appel unitaire est accompagné d’une série d’outils web, devant permettre « d’envahir » les réseaux sociaux à partir de fin janvier. Une page face- book (à partir du 20 janvier), un hashtag (#8mars – c’est encore à préciser), ainsi qu’une plateforme web permet- tant de poster sur une carte de France les actions prévues à 15h40, de diffuser les photos des initiatives prises, de voter sur une série de revendications (« en 2017 nous voulons ») et de faire remonter les propositions sont au programme… Une courte vidéo doit lancer la campagne « web », afin qu’elle soit relayée le plus largement possible.

En plus de ce matériel unitaire, Solidaires sortira ses propres tracts, affiches etc. qui seront disponibles sur notre site et auprès de nos équipes.

Tous ces outils doivent permettre de lancer et d’ani- mer la campagne pour un 8 mars de lutte, un 8 mars de grève des femmes ! Et elle ne se fera pas sans vous.

Le 8 mars, toute une histoire de lutte

Cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes trouve son origine dans les manifestations de femmes au début du XX e siècle en Europe et aux États- Unis. Ces mouvements féministes réclamaient l’égalité des droits, de meilleures conditions de travail et le droit de vote. C’est à Copenhague en 1910 à la conférence internationale des femmes socialistes que l’idée d’une « Journée Internationale des Femmes » est décidée, à l’initiative notamment de Clara Zetkin. Un an plus tard, la Journée internationale des femmes est marquée pour la première fois, avec des manifestations impressionnantes dans un grand nombre de pays d’Europe et aux Etats-Unis. En France, la date retenue est le 19 mars en commémoration de la révolution de 1848 et de la Commune de Paris. À cette même date, en Allemagne, en Suisse, en Autriche et au Dane- mark, plus d’un million de femmes célèbrent cette journée. Dans la seule ville de Berlin, 45 meetings rassemblent plus de 40 000 participant.es et plus de 30 000 femmes défilent dans les rues de Vienne en Autriche. Officialisée par les Nations unies en 1977, elle l’est en France en… 1982, sous l’impulsion du tout nouveau ministère des droits des femmes, aujourd’hui disparu.

Grrrèeves des femmes ! !

En 2012, le collectif « grrrèeves des femmes 31 » (à l’initiative de Mix-cité 31) lance l’idée de grève des femmes afin de contrer la journée de « fête » de « la » femme, de re-politiser un 8 mars en rappelant qu’il s’agit d’une journée internationale de lutte. La grève est vue comme un moyen de montrer que si les 52 % de femmes en France arrêtent de travailler, sur les lieux de travail comme à la maison, c’est toute la société qui est bloquée. Solidaires 31 est dans l’appel dès le début et organise un travail de conviction au sein des secteurs professionnels. Ainsi, les syndicats Sud Education, Sud PTT, Sud CT, SUD santé sociaux, Sud Rural et Sud Culture de Haute Garonne déposent un préavis de grève, appuyé par des tracts spécifiques à leur secteur.

Parallèlement, des actions du collectif sont organisées : flash-mob, appel à la grève du travail domestique, actions dans le métro informant sur les inégalités… Ce premier appel est non mixte (un pique-nique mixte précède la manifestation pour que les hommes expriment leur soutien), il le deviendra l’année suivante. Dès le début, pour le collectif 31, cet appel à une grève des femmes devait devenir national. Les contacts pris avec la commission femmes de Solidaires ont permis d’en faire, à partir de 2014, une perspective pour Solidaires.

NI UNA DI MENO, « Pas une de moins » : l’appel des femmes italiennes après celles d’Argentine

Un tiers des femmes italiennes, étrangères et migrantes subissent des violences physiques, psychologiques et sexuelles, souvent dans leurs maisons et devants leurs enfants. En Italie, des dizaines de femmes ont été assassinées par des hommes depuis le début de l’année…

Ça suffit ! c’est le cri qui se lève de plusieurs parties du monde. En Pologne, en Argentine et en Espagne, les grèves et les manifesta- tions de femmes qui se rebellent face à la violence et au féminicide et luttent pour l’autodétermination des femmes ont paralysés des pays entiers. » Après les très grosses manifestations du 26 novembre, des femmes se rassemblent dans de nombreuses villes italiennes pour la préparation d’un 8 mars en grève.