Coronavirus au Travail

La menace de pandémie du Covid-19 est désormais bien réelle. Les messages envoyés et mesures prises par le gouvernement créent un climat anxiogène pour l’ensemble de la population et notamment les salarié·es. Appuyons-nous sur le code du travail pour nous protéger ensemble.


Ainsi, des manifestations sont annulées (marathon de Paris par exemple), les rassemblements de plus de 5 000 personnes dans un lieu confiné sont interdits, des marchés sont fermés (mais pas les supermarchés… la volonté de protéger les puissances économiques est très claire). Les musées sont toujours ouverts tant que les agent·es n’exercent pas leur droit de retrait, les transports publics fonctionnent toujours, les établissements scolaires sont toujours ouverts en dehors des fameux clusters de contamination. Parfois les manifestations sociales, sportives, culturelles sont interdites, parfois non, la géométrie variable rend la situation contrastée et complexe, voire illisible et anxiogène.

En réponse à cette menace, les messages envoyés tant par le gouvernement que les employeurs se basent surtout, voire essentiellement, sous l’angle du Code de la Santé publique, en insistant très largement sur le comportement individuel de chacun·e (se laver les mains plus fréquemment principalement).

De plus, ce qui remonte globalement du terrain, est une cacophonie généralisée, elle-même source de stress supplémentaire.

Pour Solidaires, sans nier la nécessité, en terme de santé publique, de l’intérêt de ces mesures, il manque une approche essentielle : celle qui se fonde sur le Code du travail et les responsabilités des employeurs qui en découlent. L’objectif de ce document est de permettre à chacune et chacun de prendre appui dessus.

Obligation de sécurité de l’employeur

La nature même du contrat de travail prive toute personne d’une de ses libertés fondamentales : celle de sa volonté. Il est en effet, impossible de décider seul·e de ce que l’on peut faire ou ne pas faire au travail. En contrepartie de ce lien de subordination qui lie tout salarié·es à son employeur, ce dernier a une obligation générale de sécurité en matière de protection de la santé de ses subordonné·es. (art. L. 4121-1 du Code du travail)

Cette obligation générale de sécurité s’est même étendue avec la jurisprudence à une obligation de résultats. L’employeur a donc une responsabilité absolue en matière de santé physique et mentale de ses salarié·es qui est incontestable. Il doit tout faire pour y parvenir !

Actions à mener par les employeurs

Quelques exemples :

  • interdiction de tout déplacement professionnel en France ou à l’étranger ;
  • restriction des voyages vers les zones à risques (définies et actualisées sur le site santé publique ;
  • fourniture de masques et/ou gel antibactérien et/ou gants jetables aux personnels ;
  • travail à domicile ;
  • mise en quarantaine des salarié·es provenant de zones à risque ;
  • affichage d’informations sur les mesures de protection.

Le coronavirus est-il un risque professionnel ?

A priori, la contamination par le virus du coronavirus semble relever d’un risque environnemental. Cependant, les analyses de l’INRS, de la DGT tendent à dire qu’il est judicieux d’actualiser rapidement le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) et ce afin d’analyser l’exposition précise, en fonction du métier exercé, et donc des risques liés à l’activité professionnelle précisément encourus.

Par exemple, les personnels de santé, mais également toute personne en lien étroit avec du public (personnels d’accueil, enseignant·es, agent·es des musées, douanier·es, commerces, bibliothèques, transports de voyageurs, restauration, etc.) ont un risque accru de contamination du fait même de leur proximité avec les gens.

Pour réaliser cette analyse, l’utilisation de l’article L. 4121-2 du Code du travail constitue un véritable mode d’emploi sur les méthodes pour prendre des mesures efficaces, qu’elles soient organisationnelles, collectives (changer l’organisation du travail, nettoyage accru des locaux, pose de vitres de séparation entre salarié·es et usagers·ères à l’accueil…), et individuelles (port des équipements de protection individuelle tels les masques).

Parmi les réflexions à mener, la question de la poursuite impérative de l’activité est primordiale : est-il vraiment indispensable de faire prendre un risque pour la santé des travailleurs·euses en poursuivant l’activité de l’entreprise/ administration ? (ex. : voyages à l’étranger, maintien de l’ouverture au public…)

L’analyse des risques professionnels avec la participation active de celle et ceux qui effectuent le travail est une étape incontournable pour Solidaires. Vous pouvez en tant que travailleuses et travailleurs collectivement, individuellement, avec une ou des organisations syndicales, interpeller, questionner, vos employeurs sur vos interrogations et les mesures prises.

Coronavirus : danger grave et imminent ?

Dans le cadre de son travail, toute personne qui pense être face à une situation de danger grave et imminent pour sa santé peut se retirer de celle-ci, après en avoir averti son employeur. À la suite de l’exercice de ce droit, Solidaires conseille d’avertir les représentant·es des personnels, qui peuvent mener un droit d’alerte du CSE/CSSCT et laisser des traces de cette situation dangereuse.

Elle n’a pas à prouver l’existence de ce danger puisqu’elle doit seulement avoir un motif raisonnable de penser que ce danger existe, en fonction de ses connaissances et de son jugement. Dans ce cadre, l’information communiquée par l’employeur est primordiale.

Par exemple, un·e guichetier·e qui exercerait son droit de retrait, pourrait tout à fait demander à son employeur de continuer à travailler mais sans contact avec le public. Être en droit de retrait ne permet donc pas de rentrer chez soi mais bien de ne plus être au contact du danger identifié.

À noter que si l’employeur conteste la réalité du danger, seul un juge pourra trancher le litige. Pour aller plus loin, lire la fiche de la commission « conditions de travail » de Solidaires sur le site de la petite boite à outils.

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Réunir le CSE/CSSCT : parler du travail pour prévenir les risques professionnels

Un membre du CSE/CSSCT peut, selon le même principe de constat d’un danger grave et imminent, déposer un droit d’alerte auprès de son employeur. Une enquête conjointe immédiate pour déterminer la réalité du danger ainsi que les mesures à prendre pour faire cesser ce danger est enclenchée. En cas de divergence entre l’employeur et le/la représentant·e en CSE/CSSCT, tant sur la réalité du danger que sur les mesures à prendre, une réunion extraordinaire de l’instance se tient dans un délai maximal de 24h. Là encore, si après cette réunion les divergences subsistent, l’inspection du travail est alertée. Cette alerte du CSE/CSSCT constitue pour les équipes de Solidaires un moyen d’appuyer la démarche entreprise par les salarié·es qui auraient exercés un droit de retrait, en ne les laissant pas seul·es face à leur employeur.

Le CSE/CSSCT peut également se réunir à la demande de deux de ses membres.

Pour Solidaires, la réunion du CSE/CSSCT constitue ainsi une opportunité de débattre collectivement des mesures à prendre pour faire face à cette contamination possible face au virus du coronavirus. C’est également l’occasion de débattre collectivement des mesures de prévention prises par l’employeur pour éviter tout risque de contamination par le coronavirus.

En conclusion

Quoi qu’il en soit, il faut garder raison sur cette épidémie en cours, sa réelle dangerosité et ses effets (rien que sur la dernière semaine de février au moins 5 mort·es au travail), sans tomber ni dans le catastrophisme, ni dans la théorie du complot. La nécessaire protection des populations ne doit pas devenir le prétexte, comme c’est le cas par exemple en Chine, à un contrôle et une surveillance généralisée des populations, ni celui d’une interdiction ou d’une restriction des libertés d’expression et de manifestation.