Conseiller à Dominante Entreprise

Après 30 minutes de transport en commun et 10 minutes de marche (sur 30 minutes de marche quotidienne recommandées par l’OMS j’en fais 20 grâce au travail) j’arrive à l’agence.

08h28 : Trop tard pour me rendre au brief du matin et juste à temps pour me connecter à mon ami ODIGO (la ligne employeur de l’agence qui déborde sur la plateforme 3995 en cas de surplus) Je tente une entrée rapide au brief pour signifier ma présence par un BONJOUR à tous vite rabroué par le regard réprobateur de mon REP ( responsable équipe production) qui me fait signe d’aller prendre la ligne en urgence.

08h32 : Connecté, enfin ! 2 minutes de retard sur la plage contrainte, je souffle. Aujourd’hui, je suis arrivé à peu près dans les temps. Je sais qu’a priori dans cette période de l’année peu d’appels entrants se manifestent et que les journées sont parfois longues. 5 appels ; c’est à peu près la moyenne quotidienne des dernières semaines, alors cela titillent ma motivation à occuper ce poste. Je prépare secrètement un plan d’action de prospection sur mon portefeuille entreprise. Cependant la phrase de mon REP lors de la dernière réunion d’équipe résonnait encore en moi : « C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’appels mais si sur deux appels dans la journée t’en loupe un, c’est un taux d’échec de 50% qui sera appliqué à nos résultats » je reste ainsi fixé au téléphone en attendant un hypothétique appel au service public en hésitant toujours à me déplacer en agence lorsque je suis seul dans mon bureau.

08h40 : Le nuage numérique a frappé venant de l’ouest (par mimétisme et progressisme non réfléchi) ainsi j’ouvre les applicatifs dédiés à mon activité :
– Eptica : gestion des mails de l’équipe entreprise – Dune : gestion des dossiers entreprise et suivi des offres d’emploi et mesures financières – E-satis : gestion des questionnaires de satisfaction client – Escalade : gestion des réclamations – IOP : requêtes sur les portefeuilles agence et bassin afin de trouver les demandeurs d’emploi pour les offres que l’on gère – Buddy : notre mine d’information afin d’avoir réponse a tout sans embêter personne – Aude : Fichier demandeur emploi
Dans les minutes qui suivent, un sentiment de vacuité et d’inutilité se forme comme un comme un trou noir numérique, avec un monde infini de possibles, sous la forme de pages internet et d’outils recelant en eux même plusieurs facettes et onglets particuliers. Ainsi je me dis en moi-même, « Tout
est possible ; à condition de bien choisir l’outil ».Et toi lecteur, face au virage numérique que fais-tu ? Tu ralentis, tu rétrograde ? Ou tu fonce dans le tas en serrant …les bras ? Bref, il n’est pas encore l’heure des digressions philosophiques sur l’utilité au travail car comme tout lundi qui se respecte je dois traiter tout ce que le Week end a engrangé dans la bécane de demandes et d’attentes d’usagers légitimes que mon sens du devoir doit satisfaire. D’ailleurs, je dois faire preuve de sélection car toute demande a tendance à être présentée avec un cachet d’urgence (pour être sure d’être traitée ou de passer avant les autres) et en même temps avec l’apparence du facilement solutionnable ; ce qui est rarement le cas. Ainsi de nombreuses sollicitations professionnelles répondent à ce double critère :
urgent et facilement resolvable pour celui qui a la compétence. Ainsi pour me protéger je dois traiter et sélectionner au risque de tout faire en même temps et de faire des mini « burn out » (manifestation d’énervements spontanés qui partent au hasard malheureux comme une coulée de lave lors d’une éruption volcanique)

08h42 : 1 er appel : une association me contacte pour les contrats aidés qu’elle attend. Je ne peux pas lui dire qu’on a plus de fonds pour lui permettre de bénéficier de cette mesure mais je dois lui conseiller de reporter son dossier ou de le déposer au risque de recevoir un « refus ». Gêné par la tournure alambiquée de la conversation je lui propose d’enregistrer le nom de la structure et de la recontacter quand « ça va repartir ».
2eme appel : Lors de cet appel, j’ai entendu une sonnerie dans le combiné me signalant que je venais de louper un appel ; un appel en absence. Horreur je viens de voir mon taux de « décroché » chuter de 50%. Bizarrement, depuis mon entrée à ce poste il y a 5 ans je suis toujours étonné que le système ne permette pas de savoir qui vous a appelé ! Non seulement on rate des appels mais en plus on ne peut pas rappeler la personne en question.
3eme appel : Une offre en or par une nouvelle entreprise (c’est la situation idéale pour reprendre des parts de marché et tenter de satisfaire un nouveau prospect par la qualité du service rendu) Une fois saisie je la met en brouillon afin d’en faire part à mon agence en espérant secrètement pouvoir satisfaire les deux bouts de la chaine : satisfaire l’entreprise par la présentation d’un candidat sélectionné et méritant et un de mes collègues et l’agence elle-même en permettant à un de nos demandeurs d’emploi d’avoir le poste. Ressentir le plaisir du placement positif sur une offre de qualité par un DE connu par son conseiller placement et renforcer les indicateurs de résultats de notre agence ! J’envoie un mail aux conseillers CDDE (conseiller à dominante demande d’emploi) dans l’espoir d’avoir quelques candidats à mettre en avant. Je me déplace de bureaux en bureaux afin de faire la promotion de cette offre et en prenant d’énormes risques sur le taux de décroché. Sans suspens, j’ai attendu 1 heure, puis deux et dans l’après-midi je n’avais que 2 CV dont un n’ayant pas le pré requis attendu par l’entreprise à savoir le permis de conduire. J’ai donc présenté le second candidat en croisant les doigts et en validant l’offre d’emploi présageant déjà que cela ne suffirait pas à l’employeur pour faire un vrai choix. Finalement, quelques jours plus tard et une période d’immersion mis en place pour le candidat du club senior celui-ci est recruté en CDI. 1 mois plus tard et une période d’essai renouvelé Mr n’est pas gardé compte tenu du fait qu’il avait du mal à utiliser le GPS du véhicule. Ils l’ont remplacé.

09h30 : Je suis seul à mon poste, je n’ai vu quasiment personne de la matinée depuis que je me suis connecté ; je suis face à mes pages ouvertes sur l’avenir ou le néant en même temps qu’un champ des possibles inimaginable. A moi de choisir ce que je privilégie dans ce qu’il y a de plus urgent ! Ceci dit une envie pressante me tenaille et la question de la ligne vacante m’inquiète. Je décide de prendre le risque de perdre un appel quand …OUF… quelqu’un rentre dans mon bureau ! Une de mes collègue CDDE qui me propose un candidat ; je négocie avec elle qu’elle m’attende deux minutes afin de surveiller la ligne pendant que je satisfais un besoin impérieux parce que primaire. De retour elle me présente un profil intéressant pour un poste administratif mais au regard de ses nombreuses expériences je flaire le hic « Ah oui elle a 62 ans » finit-elle par me dire. « A l’impossible nul n’es tenu » dis-je gaiement cependant que dans mon fort intérieur aux prises avec la conscience des besoins de satisfaction des employeurs je sais que cela risque d’être difficile. Je lui rappelle après 10 minutes de conversation que tout le monde (l’équipe entreprise) doit être au courant de la démarche et qu’il faut remplir la fiche de profil.

10h30 : Je me dirige vers la cuisine pour faire une pause sans aucune arrière-pensée concernant la ligne et les appels en absence potentiels (pour être efficace j’ai décidé de ne pas culpabiliser outre mesure). Au soleil, 1 café dans la main je me rends compte que cela fait 2 heures que je regarde un écran dans les yeux et que je n’ai vu qu’une personne. J’évite bien sur les conversations concernant le boulot puisque je suis en pause et 10 minutes après je redescends ; pas de bol ; j’ai loupé un appel. 3 appels / 2 manqués
Si vous souhaitez savoir combien d’appels a loupé notre CDE modèle lisez la suite de cet épisode dans « vent du sud3 » en attendant misez sur les résultats sur notre
site :
http://bit.ly/Ventdusud