Déconfinement… Et si oui dans quelles conditions ?

Déconfinera ? Déconfinera pas ? Dépistages, masques, à l’école, au boulot, posons nos conditions et imposons le rapport de force !

Un plan de déconfinement a été présenté par E. Philippe devant l’Assemblée nationale le 28 avril dernier et au Sénat le 4 mai. Un projet de loi prolongeant l’état d’urgence jusqu’au 24 juillet est en cours d’examen. Le déconfinement est prévu pour le 11 mai dans des conditions qui devraient encore être précisées le 7 mai prochain, notamment sur ce qu’il sera possible de faire entre les départements rouges et les départements verts (ces derniers ayant selon les chiffres du gouvernement un taux de propagation du virus plus faible et un réseau hospitalier non saturé).

Pourtant, ce déconfinement, qui suit une gestion de l’épidémie chaotique, ne donne à cette heure aucune assurance pour la population de ne pas replonger vers une deuxième vague de l’épidémie encore plus meurtrière… Les « leçons » d’une première vague ne semblent pas avoir remis en cause les choix politiques antérieurs, sans forcément que ce soit une surprise.

Solidaires porte depuis le début de cette crise l’idée que c’est l’humain, la santé, le souci de donner les moyens de vivre à la population, notamment les plus précaires qui doit primer sur tout le reste. D’autant que la crise et l’ampleur de son impact restent en large partie de la responsabilité des politiques menées ces dernières années, tant sur la casse de l’hôpital public, des services publics, que celles qui ont favorisé les plus riches… sur le dos des travailleur-euses et des plus précaires.

Au-delà, il s’agit bien de faire d’autres choix de société, de justice sociale, écologique, féministe, qui doivent permettre un monde vivable, respirable, juste, égalitaire.

LA SÉCURITÉ SANITAIRE AVANT TOUT ? POUR CE GOUVERNEMENT C’EST PLUTÔT LA REPRISE ÉCONOMIQUE, ET LE RESTE S’ADAPTE

Depuis le début de la gestion de cette crise, la « préoccupation » de la poursuite de l’économie, de l’aide aux entreprises a été prégnante. Pour les salarié-es, le dispositif de chômage partiel (mais rien pour les intermit- tent-es notamment), pour le reste de la population, quelques aides… mais qui sont restées bien faméliques ; la dernière aide annoncée aux étudiant-es de 200 euros est bien le symbole de cette « maigreur ». Tout juste a-t- on joué sur le levier « prime » pour symboliquement « récompenser » les soignant-es et fait appel à la générosité légendaire des employeurs pour octroyer des primes aux salarié-es les plus exposé-es (là aussi, ce qui a été lâché reste très insuffisant et a engendré beaucoup de frustrations).

Pour les entreprises, c’est un autre son de cloche, entre les aides (7 milliards d’euros pour Air France sans contrepartie sociale ou environnementale et pour éponger les dettes avant de redonner les clés au secteur privé…), l’effacement de charges, la prise en charge de loyers, on reste dans ce qu’a porté le gouvernement tout au long de ces dernières années, avec une politique fiscale en faveur des grandes entreprises, et vers les riches (où sont les premiers de cordée maintenant ?), d’attaques du droit du travail, et un sens du business qui prime tout.

On retrouve cette « philosophie » macronienne dans le plan de déconfinement : cette date du 11 mai, et l’absence de garanties de sécurité minimales pour les travailleur-euses, la population et la réouverture des écoles pour « garder » les enfants des salarié-es en sont le symbole. On doit remettre en marche l’économie, en ne remettant surtout pas en cause les choix antérieurs, le partage des richesses, les choix de consommation, les non-choix écologiques et sans tenir compte des risques sanitaires de cette reprise, etc.

QUELS RISQUES SANITAIRES ?

Les tests, les masques et les gestes barrières sont des éléments clefs pour un déconfinement et pour retarder la propagation du virus. Les moyens humains et matériels de l’hôpital le sont tout autant.

Stratégie de dépistage massif, en attendant les vaccins ?

Si seuls un vaccin ou un traitement peuvent arriver à stopper le virus de manière certaine, le dépistage reste un élément clef pour freiner sa propagation.

Or la France a été la mauvaise élève du nombre de personnes testées. On nous compare souvent à l’Alle- magne lorsqu’il s’agit de faire des politiques de régressions sociales. Force est de constater qu’avec un usage massif des tests, entre autre, elle a réussi à maîtriser cette pandémie avec beaucoup moins de victimes que ses voisins européens.

Même si un dépistage massif pose aussi des questions : des dérives sur « qui » aurait le droit de circuler, de travailler, de se rendre dans tel endroit, pourrait remettre en cause des libertés publiques et asseoir un contrôle de la population comme ce qu’on a pu voir en Chine avec des code QR vert ou rouge donnés à la population.

Avec le projet Stop Covid qui a été pour le moment repoussé, basé sur le volontariat, c’est aussi le risque d’une dérive grave quant aux libertés publiques, et la tentation d’un État de contrôler les individus, via une tech- nologie, aujourd’hui sur la question de leur contamination, et demain ?

Par ailleurs, évidemment, une personne testée peut potentiellement le lendemain être infectée ! Mais, que ce soit dans les hôpitaux ou ailleurs, la propagation du virus a été favorisée par la pénurie de tests.

Solidaires, a demandé à ce gouvernement qu’une enquête sanitaire prenant en compte les critères du travail soit faite car savoir dans quel secteur professionnel le virus s’est répandu aurait aussi pu pourrait donner des éléments fondamentaux quant à la dangerosité de rouvrir les lieux de travail pour les salarié-es.

Solidaires revendique :

  • des tests pour l’ensemble de la population et leur gratuité ;
  • une priorité des tests pour les personnels médicaux ;
  • une étude sanitaire épidémiologique en incluant des critères liés au travail.

Solidaires refuse la mise en place de stop covid prévue par ce gouvernement : les conditions de sa mise en œuvre et les dérives que cette technologie emporte sont une trop grave menace pour les libertés publiques.

Qui aura des masques et quelle efficacité ?

Là aussi, si derrière il n’y avait pas l’idée que des morts auraient pu être épargnées, on pourrait presque rire des revirements et consignes contradictoires qui ont été donnés par ce gouvernement et ses prédécesseurs ! Une image vaut mieux qu’un long discours :

Depuis, la nécessité d’avoir des masques a été affirmée, tandis qu’on peut parler de véritable scandale sani- taire sur les insuffisances graves auxquelles ont été confrontés les personnels des hôpitaux et ceux et celles dans les Ehpad.

Beaucoup de personnels de santé ont ainsi été contaminés et ont contaminé à leur tour car beaucoup ne disposaient pas des indispensables masques FFP2, de surblouses et de matériels de protection. C’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui et les stocks ne sont toujours pas à la hauteur des nécessités. Pourquoi le gouverne- ment refuse de donner le nombre de personnels de la santé contaminés ? Et pourquoi le Covid-19 n’est toujours pas reconnu maladie professionnelle dans tous les secteurs contrairement aux discours du gouvernement ?

Autre épisode affligeant, tandis que désormais les commandes en masque ont été passées : ce sont les grandes enseignes du commerce qui affichent des commandes sans précédent de masques, en affichant leur « bon geste » de ne les vendre qu’au prix coûtant, alors que c’est la gratuité qui doit être décrétée ! Tout juste un petit stock sera donné pour les plus démunis…

Ce qui signifie que sur les lieux de travail, au mieux l’employeur aura fourni des masques chirurgicaux (mais qui doivent être renouvelés régulièrement) au pire c’est aux salarié-es de se débrouiller pour en trouver, en fabri- quer ou en acheter… et de nombreuses femmes couturières de métier ou non, bénévoles dans la plupart des cas, cousent et cousent et cousent des masques… pour combler les carences de l’État.

L’initiative de Solidaires 22 : Relocalisation d’une entreprise de fabrication de masques !

Solidaires 22 appelait, le 26 mars dernier, à recréer en urgence un site industriel à partir d’une ancienne usine de masques fermée en 2018 à Plaintel. L’idée d’un projet coopératif réunissant acteurs publics et privés avait séduit les collectivités locales. « Dans le monde d’après, on peut être innovant et montrer qu’élus et habitants peuvent prendre en main leur souveraineté sanitaire », souligne Serge Le Quéau, porte-parole de Solidaires. Désormais ce projet suscite les appétits d’un investisseur étranger qui soutient un autre projet… Il faudra encore mener la bataille pour que ce ne soit pas le monde du fric qui l’emporte ! À suivre !

Solidaires revendique :

  • un stock suffisant prioritaire pour l’ensemble des soignant-es de masques FFP2, protections et pour ceux et celles en contact direct avec des personnes malades ou vulnérables ;
  • la gratuité des masques pour l’ensemble de la population (en procédant à des réquisitions si nécessaires) ;
  • la relocalisation d’entreprises fabriquant des masques et leur gestion par les salarié-es ;
  • pas de reprise du travail sans des masques chirurgicaux fournis en quantité suffisante aux salarié-es.

À l’école

L’école, espace d’apprentissage et de socialisation est primordiale dans une société. Leur réouverture partielle est vue actuellement comme une priorité par le gouvernement. Mais loin du discours tenu, ce n’est pas une ques- tion d’égalité ou de soutien aux élèves qui mène la politique de réouverture, mais bien les intérêts économiques que représente la garde des plus jeunes. En effet, quand bien même les conditions de réouvertures seraient ré- unies, et ce qui n’est pas le cas actuellement d’après le conseil scientifique, il est flagrant que le gouvernement veut faciliter seulement la prise en charge des plus jeunes qui ne peuvent se garder seuls pour que leurs parents puissent retourner au travail. Pour éviter la propagation du virus, qui sera accentuée dans des espaces où les « gestes barrières » ne seront pas possibles, comme le conseil scientifique, comme cela se passe dans les autres pays autour de nous (Espagne, Italie), Solidaires demande le report de la réouverture générale des écoles à la rentrée de septembre avec les moyens conséquents.

Quelles conditions de transport ?

La question des transports en commun est centrale pour des millions de personnes dans les zones urbaines : comment se déplacer tout en respectant les distances physiques ? Pour Solidaires le déplacement pendant la pandémie doit se faire en respectant les mesures de protections, en particulier de distances. Cela limite de fait la capacité en nombre de personnes pouvant se déplacer en même temps. Dans la période, le maximum doit être fait pour privilégier et doter celles et ceux qui le veulent et le peuvent en vélo, alternative écologique pour les déplacements de courtes et moyennes distances.

Et pour le monde du travail ?

La reprise du travail a été « accompagnée » par des guides mis à disposition par le ministère du Travail… ainsi qu’un protocole national de déconfinement qui donne certaines recommandations aux employeurs (une personne pour 4 m², sens de circulation, masques grands publics que l’employeur peut fournir… exclusion des dépistages en entreprise… mais permission de contrôle de la température à l’entrée d’un site sous certaines conditions, désinfections des locaux…).

Si évidemment des mesures de précautions sont à prendre sur les lieux de travail, ceux-ci reposent sur la seule bonne volonté de l’employeur et sur un ensemble de mesures à minima très généralistes… Pourtant ceux-ci ont bel et bien une obligation de sécurité et certains ne s’y sont pas trompés en demandant une levée de leur res- ponsabilité de santé et de sécurité, qui peut se traduire pénalement vis-à-vis des salarié-es ! (Medef et consorts à la ministre du Travail le 30 avril).

D’ailleurs le protocole national de déconfinement ne rappelle que vaguement ces obligations, tout comme la nécessité d’une concertation, mais préfère insister sur le maintien du télétravail et d’horaires déca- lés, permettant d’éviter de prendre des mesures collectives ! Le déconfinement ne peut se faire sans y associer les instances de représentation des salarié-es (CSE, CHSCT), ni sans y associer les salarié-es eux-mêmes. Le gouvernement a clairement tout fait pour que le « dialogue social » passe à la trappe, organisant la réduction du délai de consultation des CSE par décret, en ayant réduit et affaibli les CSE et en supprimant les CHSCT depuis la loi travail…

Par ailleurs, le télétravail (qui souvent n’est qu’un simili travail à domicile avec les moyens du bord à la charge des salariées) a montré des limites certaines : amplitudes de travail, effacement de la frontière avec le temps privé, cumul inconséquent avec les gardes d’enfants… pressions et injonctions contradictoires, absence de moyens informatiques, etc.

Enfin, on sait par ailleurs que les pressions sont multiples pour que les salarié-es ne fassent pas usage de leur droit de retrait qui reste la meilleure arme dans l’immédiat lorsque l’employeur ne respecte pas les conditions pour travailler sans risques.

Solidaires exige :

  • que seuls les secteurs essentiels soient actifs tant que les conditions de transport, de travail des salarié-es ne sont pas assurées comme c’est encore le cas actuellement ;
  • la remise en place immédiate des CHSCT avec des prérogatives étendues et la fin de la menace de leur suppression dans la fonction publique ;
  • que les instances représentatives soient systématiquement consultées, dans des délais normaux, et avec une écoute réelle quant aux conditions matérielles d’une possible reprise ;
  • que le télétravail soit strictement encadré (horaires, matériel fourni notamment), et qu’il ne soit pas un frein à l’obtention de l’arrêt de travail, ou l’autorisation d’absence pour garde d’enfant (on ne peut garder les enfants en télétravaillant et vice et versa !).

QUELLES RÉPONSES SYNDICALES ?

Plus que jamais droit d’alerte, droit de retrait, et grèves sont à l’ordre du jour

Lors de cette reprise à marche forcée, il est clair que les droits d’alerte, droit de retrait vont trouver à s’appliquer malgré les pressions qui seront exercées. C’est aussi par des cahiers revendicatifs sanitaires, par la grève que les choses peuvent bouger concrètement !

Plusieurs syndicats de Solidaires ont entrepris des actions en justice, pas d’impunité !

Recours contre les congés et RTT rabotés dans la fonction publique (Solidaires Finances Publiques avec Solidaires Fonction Publique), recours de Sud Éducation (pour l’annulation de la réouverture des écoles et établissements), et bien sûr les décisions prises à l’encontre d’Amazon et de la Poste. Ces dernières décisions marquent l’obligation des entreprises de procéder à l’évaluation des risques pour les employé-es avec les représentants des personnels.

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