La lutte économique reste une nécessité pour les travailleurs, tant que nous sommes plongés dans le capitalisme. Mais elle ne nous permet pas d’en sortir. Elle nous y retient toujours plus fermement.
Qu’est-ce qui nous conduira au socialisme ?
La grève générale !
Mais il s’agit d’une grève générale d’une tout autre nature que celle qu’on trouve généralement dans la bouche des agitateurs et dans le cœur des masses facilement exaltées – ces masses qui, après avoir la veille applaudi à tout rompre, s’en vont péniblement à l’usine le matin suivant.
La grève générale telle qu’on la prêche aujourd’hui consiste à attendre les bras croisés pour savoir qui va être le plus fort et va tenir le plus longtemps : les travailleurs ou les capitalistes.
Nous ne craignons pas de dire qu’il arrive de plus en plus souvent que, grâce à leurs organisations, les capitalistes réussissent à tenir bon contre les travailleurs. C’est le cas dans les petites grèves, ça l’est encore plus dans les grandes grèves, et il n’en serait pas autrement pour une grève générale passive. Que chacun y songe sérieusement en ouvrant les yeux ! Il est vrai qu’il est pénible d’ouvrir grands les yeux et de regarder la vérité en face, quand on s’est habitué à la faible lueur du crépuscule. Mais c’est bigrement nécessaire !
Travailleurs, laissez-nous vous parler de la grève générale active !
Nous ne parlons pas ici de l’acte révolutionnaire décisif et final qui est censé avoir lieu juste après ou pendant la grève générale et qui, pour beaucoup, en serait la conséquence nécessaire. Nous ne commençons pas par la fin, mais par le commencement. Si rien n’a été encore fait pour le socialisme, s’il n’y en a encore aucune trace aujourd’hui, pour quelle raison voulez-vous vous battre et vous faire tuer ? Pour la domination de quelques chefs qui vous diront le moment venu ce qu’ils veulent, ce qu’ils font, ce qu’il faut faire pour réorganiser le travail et la distribution des biens dont vous avez besoin ?
L’action décisive du peuple travailleur réside dans le travail !
Dans la grève générale active, les travailleurs en viennent à affamer les capitalistes parce qu’ils ne travaillent plus pour les capitalistes, mais pour leurs propres besoins.
Ho hé ! les capitalistes, vous avez de l’argent ? Vous avez des titres de papier ? Vous avez des machines qui sont en train de rouiller ? Eh bien, mangez-les, échangez-les entre vous, vendez-les vous les uns aux autres, faites ce que vous voulez ! Ou bien, mettez-vous au travail ! Travaillez comme nous ! Car vous n’aurez plus notre travail. Nous en avons besoin pour nous-mêmes. Nous retirons notre travail de votre économie absurde et délirante pour le mettre au service des organisations et des communes du socialisme.
Voilà ce qui arrivera un jour. Le commencement du socialisme, ce ne peut être que cela et rien d’autre.
Gustav Landauer, « Que veut la Ligue socialiste ? » (1908), in Collectif, Gustav Landauer un anarchiste de l’envers, éditions de l’éclat/À contretemps, 2018.